Dans un monde où les crises écologiques se multiplient et où notre rapport à l’environnement est questionné, la permaculture émerge comme une approche inspirante. Loin d’être une simple technique de jardinage améliorée ou une mode passagère, elle propose une vision profondément transformatrice de notre façon d’habiter la Terre.
Qu’est-ce que la permaculture ?
Le terme « permaculture » est apparu comme une contraction de « permanent agriculture » (agriculture permanente), avant d’évoluer vers une signification plus large de « permanent culture » (culture permanente). Cette évolution sémantique reflète l’élargissement progressif de son champ d’application, au-delà du seul domaine agricole.
La permaculture peut se définir comme un système de conception basé sur les principes qui gouvernent les écosystèmes naturels. Elle vise à créer des habitats humains durables et productifs, en harmonie avec la nature. Plutôt qu’une technique agricole spécifique, la permaculture constitue une méthode de design, une manière de penser et d’organiser notre environnement.
« La permaculture est une philosophie de travail avec la nature, plutôt que contre elle ; d’observation prolongée et réfléchie, plutôt que d’action prolongée et irréfléchie ; de compréhension des plantes et des animaux dans toutes leurs fonctions, plutôt que de traitement de tout terrain comme un système unique. » – Bill Mollison
Les objectifs fondamentaux de la permaculture s’articulent autour de trois axes majeurs :
- La régénération des écosystèmes : au-delà de la simple préservation, il s’agit de restaurer et d’améliorer la santé des milieux naturels.
- La durabilité : concevoir des systèmes qui puissent perdurer dans le temps sans épuiser les ressources.
- La résilience : développer la capacité d’adaptation face aux perturbations, qu’elles soient environnementales, économiques ou sociales.
Aux origines de la permaculture

La permaculture est née dans les années 1970 en Australie, dans un contexte de prise de conscience des limites des ressources naturelles, notamment suite à la crise pétrolière. Deux Australiens, Bill Mollison (1928-2016), biologiste et naturaliste, et David Holmgren, alors son étudiant, sont les fondateurs de ce concept. Leur collaboration a abouti en 1978 à la publication de l’ouvrage fondateur « Permaculture One ».
Pour élaborer leur approche, Mollison et Holmgren se sont inspirés de sources diverses :
- Les pratiques agricoles traditionnelles des peuples autochtones d’Australie et d’ailleurs, qui ont démontré leur durabilité sur des millénaires
- L’agriculture naturelle développée par le Japonais Masanobu Fukuoka
- Les travaux de l’horticulteur australien P.A. Yeomans sur la gestion de l’eau dans les paysages
- Les recherches en écologie et la théorie des systèmes
La permaculture s’est ensuite répandue à travers le monde, portée par un réseau grandissant de praticiens. En France, elle a connu un développement plus tardif mais s’est fortement accélérée depuis les années 2000, notamment grâce à la popularisation du concept par des figures comme Perrine et Charles Hervé-Gruyer et leur ferme du Bec Hellouin en Normandie.
Les trois piliers éthiques
Toute démarche permaculturelle repose sur trois principes éthiques fondamentaux, véritables boussoles qui orientent les décisions et les actions :
- Prendre soin de la Terre : respecter tous les êtres vivants et les systèmes naturels qui permettent leur existence, y compris l’eau, les sols et l’atmosphère.
- Prendre soin de l’humain : veiller au bien-être et aux besoins fondamentaux des personnes, en commençant par soi-même puis en élargissant le cercle à sa famille, sa communauté et au-delà.
- Partage équitable : reconnaître les limites à la croissance et à la consommation, redistribuer les surplus et s’assurer que chacun a accès aux ressources nécessaires.
Ces trois piliers ne sont pas des principes abstraits mais des guides pratiques qui nous invitent à évaluer constamment nos choix à l’aune de leurs conséquences sur les écosystèmes, les humains et l’équité.
Les domaines d’application de la permaculture
L’une des forces de la permaculture réside dans sa capacité à s’appliquer à de multiples domaines de la vie humaine. Bien au-delà du jardinage, elle offre une grille de lecture et d’action pour repenser nos modes de vie dans leur globalité.
Agriculture et jardinage : C’est le domaine d’application le plus connu, avec des techniques comme les buttes permanentes, la forêt-jardin, les guildes de plantes compagnonnages qui favorisent la biodiversité et l’autorégulation des écosystèmes cultivés.
Habitat et énergie : La permaculture inspire des approches bioclimatiques de l’habitat, privilégiant les matériaux locaux et écologiques, l’autonomie énergétique et la récupération des ressources comme l’eau de pluie.
Relations humaines et structures sociales : Souvent appelée « permaculture sociale », cette dimension concerne la façon dont nous organisons nos communautés, prenons des décisions collectives et créons des structures sociales résilientes.
Économie et gouvernance : La permaculture questionne nos modèles économiques dominants et propose des alternatives comme les monnaies locales, l’économie circulaire et les entreprises régénératrices.
Cette vision intégrée constitue l’une des originalités de la permaculture : plutôt que de traiter les problèmes séparément, elle cherche à comprendre leurs interconnexions et à proposer des solutions systémiques.
Les principes fondamentaux en bref
David Holmgren a formalisé 12 principes de design qui constituent la colonne vertébrale méthodologique de la permaculture. Sans les détailler tous ici (vous les retrouverez dans nos articles dédiés), voici quelques-uns des plus essentiels :
- Observer et interagir : prendre le temps d’étudier son environnement avant d’agir
- Capter et stocker l’énergie : collecter les ressources pendant l’abondance pour les périodes de pénurie
- Obtenir une production : s’assurer que le système fournit des ressources utiles
- Appliquer l’autorégulation et accepter la rétroaction : limiter les comportements inappropriés en comprenant leurs conséquences
- Utiliser et valoriser les ressources renouvelables : réduire la dépendance aux ressources non-renouvelables
Ces principes ne sont pas des règles rigides mais des guides flexibles qui s’adaptent à chaque contexte. Ils invitent à une réflexion permanente et à l’expérimentation plutôt qu’à l’application de recettes toutes faites.
La permaculture en pratique
Concrètement, comment se traduit la permaculture dans notre quotidien ? Les exemples sont aussi divers que les personnes qui la pratiquent.
Au jardin, elle peut prendre la forme d’un potager en buttes permanentes où les légumes cohabitent avec des plantes compagnes qui attirent les pollinisateurs, éloignent les ravageurs et enrichissent le sol. Le paillage permanent protège la terre, tandis que la récupération de l’eau de pluie et le compostage bouclent les cycles des ressources.
En milieu urbain, même un modeste balcon peut devenir un micro-écosystème : plantes en pots organisées selon leurs besoins en lumière et en eau, lombricomposteur transformant les déchets organiques en humus, récupérateur d’eau compact pour les arrosages.
À l’échelle d’une ferme, comme celle de Sepp Holzer en Autriche ou du Bec Hellouin en France, la permaculture se déploie en un paysage diversifié associant cultures maraîchères, vergers, élevages, mares, forêts… créant ainsi une mosaïque d’habitats qui maximise les interactions bénéfiques.
La permaculture, une invitation au changement
Face aux crises écologiques, économiques et sociales que nous traversons, la permaculture offre plus qu’une série de techniques : elle propose une véritable philosophie de vie et d’action. En nous invitant à observer attentivement la nature et à collaborer avec elle plutôt qu’à la dominer, elle ouvre la voie à des solutions créatives et régénératrices.
La permaculture n’est pas une utopie abstraite mais une démarche pragmatique, qui se construit jour après jour par l’expérimentation et le partage des savoirs. Elle nous rappelle que nous faisons partie intégrante des écosystèmes et que notre bien-être dépend de leur santé.
En définitive, la permaculture n’est pas seulement une méthode – c’est un chemin vers un monde plus résilient, plus juste et plus vivant.